vendredi 11 mai 2012

Solange

Solange est une pièce écrite pour la classe 1126B du Cycle de Cayla à Genève. Les comédiens comme les personnages sont des adolescents entre quatorze et seize ans. Les intermèdes sont normalement prévus pour être réalisés en vidéo comme des témoignages pris sur le vif sans affect théâtral. La pièce sera créée début juin 2012 dans une mise en scène de Sandra Mini-Martins.

I. – 

Dans le noir.

KEISHA. – Qu’est-ce que tu fais ? Avance.
AXOU. – Je n’ai pas envie de tomber.
KEISHA. – Il y a sûrement un interrupteur quelque part.
AXOU. – Je ne le trouve pas.
SOLANGE. – Où est-ce qu’on est ?
KEISHA (à SOLANGE). – Donne-moi la main.
JADE. – Arrête de pousser.
GWEN. – J’ai glissé.
KEISHA. – Et cet interrupteur ?
AXOU. – Si tu crois que c’est facile.
GWEN. – Vous avez entendu ce bruit ?
JADE. – Quel bruit ?
GWEN. – Ce bruit. Comme un grognement. Il y a quelqu’un. Je suis sûre qu’il y a quelqu’un.
AXOU. – GWEN.
GWEN. – On m’a touchée. Je vous dis qu’on m’a touchée.
KEISHA. – C’est moi. On n’est pas dans un film. Il ne va rien nous arriver.

Lumière. Murs nus en béton. La pièce est vide. A l’exception, d’un vieux matelas une place, d’un sac de couchage et de quelques affaires personnelles. 

GWEN. – C’est quoi cet endroit ?
SOLANGE. – Il y a quelqu’un qui habite ici.
AXOU. – Qui peut crécher dans un endroit pareil ?
 KEISHA. – Un clochard ou quelqu’un comme ça.
SOLANGE. – Nous ne devrions pas rester là.
KEISHA. – On ne risque rien.
GWEN. – Je n’aime pas ça. Si le type est caché quelque part. Qu’il nous mate ou qu’il nous filme avec des caméras.
AXOU (s’asseyant sur le matelas). – La parano.
GWEN. – Tu es dingue de t’asseoir là.
AXOU. – Ce sera moins froid que le béton.
GWEN. – Et s’il y a des bêtes ou d’autres trucs ?
AXOU (aux autres filles qui s’assoient). – Serrez-vous.
GWEN. – Moi, je reste debout.

Un temps. 

JADE. – Dites quelque chose. Ça devient flippant.
SOLANGE (se levant). – Je m’en vais.
AXOU. – Tu ne peux pas.
KEISHA. – Elle a raison. Tu ne peux pas.
SOLANGE. – Je fais ce que je veux. Mes parents vont me tuer.
JADE. – Pourquoi ils feraient ça ?
SOLANGE. – Parce que.
GWEN. – Dis-nous.
SOLANGE. – Ils vont me tuer.
KEISHA. – Qu’est-ce qu’il y a ?
AXOU. – Accouche maintenant.
KEISHA. – Ne l’engueule pas.
 AXOU. – On ne va pas attendre des heures qu’elle se décide à parler.
SOLANGE. – Je suis enceinte.
 KEISHA. – Quoi ?
SOLANGE. – Je suis enceinte.
AXOU. – De qui ?
SOLANGE. – Je ne peux pas le dire.
JADE. – Qu’est-ce que tu vas faire ?
GWEN. – Tu n’es plus vierge ?
AXOU. – Si elle est enceinte.

Un temps. 

KEISHA. – Pourquoi tu ne nous as rien dit ?
AXOU. – Tu ne prends pas la pilule ?
SOLANGE. – Ma mère ne veut pas.
KEISHA. – Et les préservatifs ?
SOLANGE. – Il m’a dit que c’était mieux sans.
 KEISHA. – Les garçons diraient n’importe quoi.
GWEN. – Et la pilule du lendemain ?
AXOU. – Si on l’appelle du lendemain, ce n’est pas pour rien.

Un temps. 

SOLANGE. – Je suis foutue.
GWEN. – Tu dois tout dire à tes parents.
SOLANGE. – Jamais de la vie. Ma mère m’a dit que je devais rester vierge jusqu’au mariage. Si je leur annonce, ils me tueront.
JADE. – Pas tes parents.
AXOU. – Tous les jours, ça arrive. C’est marqué dans le 20 minutes.
KEISHA. – Pas chez nous.
AXOU. – Ici aussi. Le mois dernier, c’est arrivé. Un temps.
AXOU. – Tu n’as pas le choix. C’est l’avortement.
SOLANGE. – Je ne peux pas.
AXOU. – Tu es beaucoup trop jeune.
KEISHA. – Si elle a envie de le garder.
JADE. – Elle peut le faire adopter.
KEISHA. – Tu en as parlé à celui qui t’a fait ça ? Ce n’est pas de ta faute. On y va ensemble. Je lui dis à ta place.
SOLANGE. – C’est PEDRO.
KEISHA. – Ce type ?
AXOU. – Tu as couché avec PEDRO ?
KEISHA. – Pourquoi tu as fait ça ?
 GWEN. – Tu es enceinte de PEDRO ?
SOLANGE. – C’est pour ça que je ne vous ai rien dit.
KEISHA. – Il a une copine.
SOLANGE. – Il était gentil. On se voyait en cachette. Et puis.
KEISHA. – Ça m’énerve.
SOLANGE. – Je suis désolée.

DANTE entre. 

DANTE. – Qu’est-ce que vous faites là ?
KEISHA. – Et toi ?
DANTE. – C’est chez moi ici.
KEISHA. – On avait besoin d’un endroit tranquille pour discuter.
GWEN. – Je le reconnais. Il était à l’école avec nous l’année dernière.
DANTE. – Vous n’avez rien à faire là.
SOLANGE. – C’est vrai ce qu’elle dit ?
DANTE. – Ça ne vous regarde pas.
KEISHA. – Je me souviens. Une embrouille avec tes parents ou je ne sais quoi.
AXOU. – C’est quoi cette pièce ?
DANTE. – Un ancien local de rangement.
 KEISHA. – Qui t’a permis de dormir ici ? GWEN. – Et tes parents, ils ne disent rien ?
DANTE. – Arrêtez avec vos questions. C’est ma vie.

Un temps. 

GWEN. – Tu as une soeur qui est avec nous à l’école. C’est quoi son nom ? Je ne me rappelle plus. JOANNA.
SOLANGE. – Comment tu fais pour manger ?
 DANTE. – Il ne faut pas qu’on vous trouve ici. J’ai promis de n’amener personne.
KEISHA. – On n’a pas fait exprès. On était dans le noir.
GWEN. – SOLANGE est enceinte.
AXOU. – GWEN.
GWEN. – Il ne va pas le répéter.
KEISHA. – Tais-toi.
GWEN. – C’est sorti tout seul.
DANTE. – Elles ne m’intéressent pas vos histoires. Restez encore un moment si vous voulez. Ne dites à personne que vous m’avez vu. Je reviens dans une heure. Il va pour sortir.
SOLANGE. – Attends. Comment tu t’appelles ?
KEISHA. – Dis-nous au moins ton nom.

INTERMEDE 1 

GWEN. – SOLANGE nous a rejointes au centre commercial. Elle était en retard. Ça ne lui ressemble pas d’être en retard. On sentait qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Mais elle n’a pas voulu nous dire quoi. C’est KEISHA qui a proposé d’aller dans le parking. Moi, je ne voulais pas. Puis quand on y était, on s’est retrouvées dans un couloir et la lumière s’est éteinte. C’était comme dans un film d’horreur. Je me suis mise à flipper grave. Après AXOU a trouvé la lumière et SOLANGE nous a dit qu’elle était enceinte. Puis il y a ce garçon, DANTE, qui vit dans le parking qui est apparu. C’était très étrange. Puis DANTE est parti. Nous, on a discuté encore un moment. SOLANGE était vraiment mal. Elle s’est mise à pleurer. On a essayé de la consoler. On ne savait pas trop quoi faire. Je remercie le ciel que ce n’était pas moi qui était enceinte. Je ne sais pas comment je ferais si c’était moi. Tant que ça ne t’arrive pas, c’est impossible de savoir.

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